Il y a des livres qui marquent et ceux qu'on oublie aussitôt refermés (hélas, il y en a parfois un peu trop, de ceux là...). Il y a aussi ceux qu'on a aimé mais dont on arrive plus à se rappeler le titre malgré tous les efforts qu'on peut faire.
Et puis il y a ceux qu'on n'oubliera jamais, parce que en plus du récit et du livre en lui-même, ils ont une signification particulière.
Par exemple, dans mon cas, je pourrais vous parler de Quitter son pays de Marie-Christine Helgerson. Ce livre pour enfants qui raconte le périple d'une famille de réfugiés laotiens qui fuyent la guerre ne vous dit peut-être rien. Moi si... C'est le premier roman que j'ai lu, j'avais tout juste 7 ans. C'était un livre pour mon frère que je lui avais emprunté en vacances car il pleuvait au camping. Je l'ai souvent relu après, mais ça doit bien faire une douzaine d'années qu'il est quelque part dans un carton. Pourtant, je me rappelle encore pleins de scènes qui m'avaient marqué : le poulet, la mort du bébé Pao...
Je pourrais aussi parler de l'étape suivante, celle qui m'a fait découvrir la littérature "des grands". J'étais en CM1, c'était la période où j'empruntais une cinquantaine de bouquins au bibliobus qui passait tous les deux mois. La bibliothécaire s'étonnait au début de me voir partir si chargée. Mais comme lui avait répondu mon papa, "hélas oui, elle les lit bien tous !" (je précise, un hélas ironique... ;-))
Je lisais donc tout ce qui me tombait sous la main, mais quasiment que du "junior". Mon instituteur avait essayé de me mettre Les Misérables dans la main, mais j'ai toujours eu un problème avec les livres "imposés"... Malgré quelques exceptions (merci au concours de lecture qui m'avait fait découvrir Kipling et son Livre de la Jungle au CM2), je me suis toujours braquée contre les conseils à la lecture (d'ailleurs, ma maman doit encore se rappeler de Akawak de James Houston, qu'on m'a tellement suggéré que je ne l'ai jamais ouvert !!!)
Bref, tout ça pour dire que je n'ai (encore) jamais lu Les Misérables (ni aucun livre de Hugo...), mais que sur la suggestion de mon instit, j'ai ouvert Vipère au Poing d'Hervé Bazin. Peut-être l'ai-je fait car je me sentais un peu fière qu'il me conseille un livre pas souvent proposé aux enfants de 9 ans. Et j'ai aimé, tout comme j'ai lu et aimé les deux tomes de la suite (en les relisant 10 ans après, j'ai d'ailleurs trouvé ces deux derniers mortellement ennuyeux, comme quoi...)
Si je raconte tout ça, c'est en fait pour arriver à la dernière étape. A la découverte d'un livre (et bien plus encore) dans des circonstances qui rappellent assez celles du premier roman que j'ai ouvert.
Bon, après des recherches approfondies dans la mémoire familiale, je viens de retrouver la date, c'était il y a 5 ans... Une nouvelle fois le camping, les randos, mon frère qui lit et moi qui ai déjà tout fini mes lectures de vacances. Je devais sûrement l'embêter, voilà qu'il me conseille/propose Les Lions d'Al-Rassan de Guy Gavriel Kay. J'ai dû très probablement avoir mon refus habituel à l'époque "ah non, j'aime pas les trucs imaginaires, avec de la magie et tout ça, beeeeuuuuh". Il a insisté, m'a expliqué le pourquoi du comment, la transposition dans un monde imaginaire d'une époque médiévale réelle. J'ai donc fini par ouvrir le livre et lu par curiosité la première ligne ("Ce fut juste après midi, peu avant le troisième appel à la prière, qu'Ammar ibn Khairan franchit la poterne des Cloches et pénétra dans le palais de l'Al-Fontina, à Silvènes, pour s'en aller assassiner le dernier khalife d'Al-Rassan") puis le premier paragraphe, puis le premier chapitre puis... Je ne l'ai pas lâché... Allant jusqu'à trimbaler ce pavé de presque 600 pages au sommet de je ne sais plus quelle montagne, pour lire quelques pages entre deux bouchées de sandwich.
Et une fois le livre achevé, rester quelques instants, voir tout le reste de la journée dans cet état second, mélange de "colère" entre la réalité et de tristesse de voir s'achever "l'aventure", qui est désormais pour moi la marque d'un bon livre, du moins d'un livre qui restera dans ma mémoire...
Certes, en finissant cet unique tome, malgré la fin décevante, je n'ai pas pleuré (comme je l'avoue l'avoir fait en finissant le 3e tome de la Tapisserie de Fionavar, du même auteur, dont j'ai englouti, n'ayons pas peur des mots, en beaucoup trop peu de temps pour ma sensibilité trop développée : un week-end...) mais j'ai compris quelque chose qui a changé totalement mes lectures par la suite : la fantasy (même si ce livre de Kay n'en est pas au sens premier du terme) est un genre tout à fait respectable.
Par la suite je me suis donc plongée, d'abord dans les autres livres de Guy Gavriel Kay avec régal. Bon, j'ai eu un peu de mal avec Tigane, je ne sais pas pourquoi, mais je l'ai trouvé plus complexe que les autres, et je crois bien l'avoir emprunté plusieurs fois avant de le lire effectivement d'une traite. La Chanson d'Arbonne aussi, le dernier que j'ai lu je crois bien.
Par contre, à mon grand étonnement, je n'ai fait qu'une bouchée du plus fantasyque de tous, La Tapisserie sus-nommée.
Je me suis sentie prise de passion pour le genre, et j'ai attaqué directement les cycles, les références, les "meilleurs livres de tous les temps", ceux dont tout le monde parle : Dune, Le Seigneur des Anneaux (les films sortaient, et je mets un point d'honneur à avoir toujours lu le livre avant de voir le film, l'inverse est terriblement frustrante...).
Et là, boum. Un mur. Illisibles. Au mieux, je dépassais le 1er chapitre. Au pire, je le rendais sans avoir lu plus que la quatrième de couverture. (je n'ai d'ailleurs toujours pas réussi à lire le SDA, et je n'ai donc encore jamais vu plus du film que les morceaux de la bande annonce :-D)
Mauvaise idée donc, me suis-je dit ? Heureusement, mon frère, toujours lui, m'a conseillé un bijou. De la littérature junior (pas seulement, mais ça a son importance...) en l'occurence : A la croisée des mondes de Philip Pullman. J'y ai retrouvé ce que j'avais aimé chez Kay : de nombreux personnages avec tous un rôle et un sens important dans l'histoire, une aventure pas trop simpliste et surtout, une écriture splendide. Malgré mon "âge avancé" pour le rayon, j'ai donc écumé la section "Fantasy junior". Et j'y ai trouvé d'autres bijoux, certains pour l'écriture, d'autres pour l'imagination. Beaucoup de déchets aussi, hélas, qui surfent sur la vague Harry Potter et cie ...
Tout ça pour en revenir aux Lions d'Al-Rassan. Je viens de le relire en anglais, ça faisait bien 2 ans que je ne l'avais plus emprunté. Même si je connais l'histoire maintenant, je me suis replongée avec délice dans le livre. J'ai enchaîné d'ailleurs sur La Chanson d'Arbonne, qui m'avait le plus plu après celui-là.
Le premier reste et restera je pense un livre particulier, tout comme Quitter son pays. J'ai à nouveau été émue, j'ai vibré, réfléchi, lu et relu les quelques poèmes parsemés dans le texte. Mais le texte lui-même est poétique. Je ne vais pas en faire un n-ième résumé, mais c'est pour moi avant tout une histoire d'amitié et d'amour sur fond de devoir, de courage et d'idéologies qui s'opposent mais se ressemblent terriblement. Sans jugement d'ailleurs. Qui, de tous les protagonistes, semble être "préféré" par l'auteur, comme c'est souvent perceptible dans d'autres livres ? Aucun. Qui, de tous les protagonistes, aime-t-on plus que les autres ? Aucun ou tous.
Ce n'est que de la fiction, que de la poésie peut-être, mais ça résonne d'une manière terriblement réelle tout au fond...